05/03/2014

Pourquoi Teodoro Obiang se met-il au portugais ?

COURRIER INTERNATIONAL HUGO DOS SANTOS  4 MARS 2014 (http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2014/03/04/pourquoi-teodoro-obiang-se-met-il-au-portugais#)

GUINÉE-ÉQUATORIALE

Pourquoi Teodoro Obiang se met-il au portugais ?

Le pays est candidat à l'entrée dans la Communauté des pays de langue portugaise, alors qu'il n'est pas lusophone. Et ce n'est pas du goût de tout le monde.
Le président Equato-Guinéen salue les [alors] président et premier ministre portugais Aníbal Cavaco Silva (au centre) et José Sócrates (à gauche) lors du sommet de la CPLP de 2008 à Lisbonne.
Cela fait quatre ans que la Guinée-Equatoriale manifeste – à travers la voix de son président Teodoro Obiang – sa volonté d'intégrer la Communauté des pays de langue portugaise (Cplc). Bien que le portugais y soit essentiellement parlé par les expatriés angolais ou mozambicains, la langue de Camões a été instituée en 2011 troisième langue officielle du pays, avec l'espagnol et le français. En réalité, si les Equato-Guinéens parlent surtout le fang (une langue de la famille bantoue) et le pidgin, 88 % d'entre eux parlent ou comprennent l'espagnol, ce qui en fait le seul pays d'Afrique ayant la langue de Cervantès comme langue officielle. Le but avoué de la manœuvre était de pouvoir prétendre à entrer dans la Cplp, un sésame pour le marché lusophone.

Lusophonie et droits de l'homme
Si l'adhésion de la Guinée-Equatoriale à la Cplc avait été refusée une première fois en 2012 (pour non-respect flagrant des droits de l'homme), elle pourrait être acceptée cette année. En effet, Rui Machete, ministre des affaires étrangères portugais, a déclaré dans un entretien au journalPúblico qu'il ne s'y opposait plus depuis l'abolition de la peine de mort dans ce pays : "Je n'ai aucune raison de douter de la parole de la Guinée-Equatoriale." Lorsque le journaliste Nuno Ribeiro lui a posé la question de savoir comment se calibraient les exigences relatives aux droits de l'homme, le ministre a répondu  : "C'est une question difficile, car cela dépend de quels droits de l'homme on parle."
Cette déclaration a provoqué l'indignation de Manuel Alegre, une des figures de l'opposition portugaise et ancien candidat du Parti socialiste à la présidentielle de 2006 : "Je vois avec stupéfaction les mots du ministre Rui Machete. Le ministre des affaires étrangères d'un pays démocratique ne peut avoir confiance dans la parole d'une dictature ou d'un dictateur qui passe son temps à faire des promesses mais ne change rien." L'ancien opposant à la dictature de Salazar déclare également que "doivent faire partie de la Cplp les pays qui respectent formellement les règles de la démocratie, ce que ne fait pas la Guinée-Equatoriale. Il doit y avoir d'autres raisons à l'enthousiasme lié à cette nouvelle adhésion."
La Guinée-Equatoriale renfloue des banques portugaises
Le Bloc de gauche, par la voix de la députée Helena Pinto, voit un lien entre l'adoucissement de la position du gouvernement portugais et la promesse d'une entreprise d'Etat équato-guinéenne d'investir 133 millions d'euros dans la Banif – une banque portugaise partiellement renflouée par l'Etat portugais après la crise financière de 2008. "La Banif a besoin de ce capital et peu lui en importe l'origine. Le régime dictatorial de Teodoro Obiang a besoin de la Cplp pour se refaire une virginité sur le plan international", proteste la députée de gauche radicale, qui conlut : "La réponse est douloureusement simple : pétrole et affaires."
Selon le Diário Económico, l'eurodéputée socialiste Ana Gomes a demandé à la Banque du Portugal de "faire son travail" et de "s'opposer à l'entrée de l'Etat équato-guinéen dans le capital de la Banif". L'Autorité bancaire européenne a également indiqué que la Banque du Portugal était souveraine de décider de l'entrée de ces nouveaux capitaux dans la banque détenue à hauteur de 70 % par l'Etat portugais.
D'après l'hebdomadaire Sol, la Guinée-Equatoriale serait également intéressée par une entrée au capital de la banque portugaise BCP à hauteur de 11 %. Plus de 20 % de la BCP appartient déjà à deux compagnies angolaises, la Sonangol (la compagnie angolaise de pétrole) et le fonds d'investissement Inter Oceânico.

Dans les faits, la peine de mort est loin d'être abolie
D'autre part, un groupe d'associations et de chercheurs portugais a publié une lettre ouverte à Xanana Gusmão, Premier ministre du Timor-Oriental, où se déroulera le prochain sommet de la Cplp (du 20 au 25 juillet), afin de lui demander de mettre son veto à l'entrée de la Guinée-Equatoriale, rappelant que la revue Forbes avait classé le dictateur Teodoro Obiang comme le huitième chef d'Etat le plus fortuné au monde (alors que l'indice de développement humain est un des plus bas), et que le pays était "loin d'obéir aux paramètres démocratiques".

Le 25 février, l'opposant équato-guinéen Samuel Mba Mombe avait publié dans Público une lettre ouverte adressée au Premier ministre portugais Pedro Passos Coelho. Il y souligne que "quand la moitié du monde condamne la systématique et flagrante violation des droits de l'homme en Guinée-Equatoriale, il est surprenant que le Portugal, qui a souffert dans sa propre chair de l'impact d'une dictature – et qui avait reçu un appui international – puisse aujourd'hui soutenir une dictature cruelle qui assassine, séquestre, emprisonne et torture."

La chercheuse Ana Lúcia Sá affirmait le 20 février que "la peine de mort n'a pas été abolie en Guinée-Equatoriale. Nous ne savons pas si elle le sera. En revanche, nous savons qu'il y a deux semaines neuf personnes ont été exécutées en Guinée-Equatoriale." Selon l'hebdomadaireExpresso, Washington a également condamné la violation des droits de l'homme sous la dictature de Teodoro Obiang et "la négation des libertés basiques : liberté d'expression, de la presse, de réunion et d'activité politique".

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(os negritos a azul são meus, parabéns ao Hugo dos Santos pelo sumário de todas as notícias)

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